L’intestin… bien plus qu’un serpentin, c’est certain !
Allez, avouez, rien que le titre, cela ne vous dit rien qui vaille ! C’est peu ragoûtant, pas très charmeur, et on se dit que finalement l’intestin c’est rien d’autre qu’un tube entortillé qui prend de la place dans notre bidou !
Expliquer sa thèse à des profanes – même à des membres de sa propre famille – voilà un exercice qui n’est pas évident donc je vais faire de mon mieux. C’est aussi complexe à expliquer que lorsque l’on me demande « quelle formation as-tu suivi ? » en tentant de me faire rentrer dans une des cases « pharmacie » ou « médecine », alors que je viens d’une formation multidisciplinaire regroupant tout cela et qui se résume finalement au terme « science ». Quand bien même, je vais tenter de vous présenter un peu le sujet de ma thèse.
L’intestin est considéré comme le deuxième cerveau de l’organisme et il est primordial qu’il se porte aussi bien que possible. Il est finalement comme une barrière, un mur qui se veut infranchissable face aux envahisseurs = les bactéries opportunistes. Imaginez cela comme un épisode de Walking Dead : vous êtes au sein d’une usine, ça travaille à tout va là-dedans et bien entendu il y fait nuit noire. Tout paraît normal, vous êtes en train de discuter avec vos amis = les bactéries commensales, tout fonctionne parfaitement dans le meilleur des mondes. En guise de protection, la zone est entourée par une barrière. C’est alors que vous entendez des gémissements au loin … ça y est, ils arrivent … les zombies … les bactéries opportunistes. Elles essaient d’entrer par tous les moyens, tentent de trouver une brèche et finalement, elles finissent par en trouver une : les bactéries opportunistes rentrent dans l’intestin et se mêlent aux bactéries commensales.
A cet instant, que se passe-t-il ? L’alarme sonore se met en route, et le plan d’urgence = le système immunitaire est déclenché. Il y a tellement d’envahisseurs que ce système s’emballe, il envoie beaucoup … beaucoup … beaucoup d’agents de l’immunité. Cela va mener petit à petit à une réponse incontrôlée, et à une inflammation excessive. C’est un peu ce qui se passe dans des pathologies comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique (plus communément appelées maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou MICI).
Pour éviter que tout cela n’arrive, il n’existe que peu de solutions à l’heure actuelle : les traitements utilisés ne peuvent que réduire l’inflammation et ne sont pas curatifs. De nouvelles thérapies sont en cours de développement comme dans mon labo. Nous travaillons sur des donneurs de monoxyde d’azote (ou NO) connus pour réguler tout un tas de fonctions essentielles à la bonne marche de l’organisme. Et au niveau intestinal, le NO est connu pour éviter de nombreux désagréments : contrôler l’inflammation, améliorer la réparation cellulaire et vasculaire, maintenir la balance pro-/anti-oxydants, et renforcer la barrière intestinale notamment en favorisant la sécrétion de mucus (liquide visqueux recouvrant la couche de cellules intestinales).
Comme le NO n’est pas utilisable tel quel, car trop instable et trop réactif, nous travaillons sur des donneurs de NO comme le S-nitrosoglutathion (GSNO) qui permet d’apporter du NO avec une meilleure efficacité : le but de mon travail est d’étudier l’effet de cette molécule pour renforcer la barrière intestinale, à travers les effets bénéfiques propres au monoxyde d’azote.
Il y a encore beaucoup de travail sur la question mais je garde grand espoir que nous pourrons renforcer un jour la barrière afin d’éviter les brèches … Ainsi, il en sera enfin terminé de ces envahisseurs, de ces fichus zombies opportunistes … euh, bactéries ! m’enfin vous avez compris 😉
Romain SCHMITT